ven.
25
mai
2012
Qui se souvient de Jayne Mansfield ? Alors que sa rivale Marilyn Monroe brille encore à tous les firmaments, icône du cinéma et de l’art contemporain, des millions de fois reproduite, Jayne Mansfield sort de l’oubli grâce au récit de Simon Liberati. L’auteur a choisi, de préférence à une biographie classique, de nous brosser avec minutie, en quelques traits éclairants, la trajectoire de cette starlette des gazettes à scandales. Simon Liberati commence d’ailleurs son récit à rebours, par le terrible accident de voiture où l’actrice, en I967 à 34 ans, trouva une mort spectaculaire qui lui permit d’entrer dans la légende, faute de n’avoir pu accomplir une carrière cinématographique digne d’intérêt. Qui était-elle ? Nous saurons peu de choses de cette poupée Barbie aux formes généreuses, créature fabriquée par les studios d’Hollywood pour supplanter Marilyn, et remplir les tiroirs caisse de l’industrie cinématographique américaine. Quel metteur en scène se soucia que, sous les traits et la plastique aguicheuse de cette blonde peroxydée, se cachait une femme au QI de 160, polyglotte, jouant avec talent du violon et du piano. De Jayne Mansfield il reste rien que des nanars et les multiples clichés d’une jeune femme en perdition, offrant aux objectifs ses sourires convenus, ses attitudes provoquantes et vulgaires, sa passion du kitch et des chihuahuas, ses multiples maris et enfants, ses addictions aux drogues et à l’alcool, et qui, pour nourrir sa famille dansait nue dans les bars interlopes de Las Vegas.
Simon Liberati ressuscite avec brio quelques parcelles du passé de cette actrice méconnue. Avec la précision d’un enquêteur, il décortique, heure par heure, les circonstances terribles de l’accident dans lequel elle trouva la mort. C’est avec l’exposition de quelques épisodes de sa dernière année de vie, sa rencontre avec un sombre gourou satanique inspirateur de l’assassin Charles Manson, que nous comprenons les dérives autodestructrices de cette playmate qui n’aspirait qu’à la gloire et dont la devise aurait pu être : « regardez-moi, ça me suffit ! ». Mais tout l’art de Simon Liberati ne consiste pas seulement à nous narrer par le menu le parcours chaotique d’un sex-symbol oublié des années 60, l’histoire qu’il nous raconte est profondément emblématique de la société américaine de l’époque. Ce sont les paradoxes d’une société puritaine et corsetée que nous dévoile ce récit. D’un côté il y a les images d’Epinal d’une Amérique rêvée, les familles blanches, proprettes et policées des tableaux de Norman Rockwell, et de l’autre, l’exploitation, à des fins mercantiles, d’images hypersexuées de blondes écervelées, exutoires des fantasmes inassouvis et inexprimables d’un public élevé dans des codes moraux et religieux extrêmement répressifs.
Son écriture précise et circonstanciée nous rappelle celle d’un Truman Capote dans « De sang-froid » ou celle d’un James Ellroy dans son récit autobiographique « Ma part d’ombre ». Il y a quelque chose des romans noirs américains dans le style narratif de Liberati qui nous captive et nous séduit.
Lionelle Je Tu Lis On En Parle
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